Le chef de l'Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, Ghislain Picard (Photo d'archives)© Ryan Remiorz/La Presse canadienne
Le 9 février dernier, nous avons tous été témoins d’une décision unanime de la Cour Suprême du Canada sur la constitutionnalité de la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis (C-92), une loi fédérale reconnaissant le droit inhérent des peuples autochtones à l’autonomie gouvernementale, particulièrement en matière de services à l’enfance et à la famille.
Il s’agit d’une décision que l’on qualifie d’historique puisqu’elle vient confirmer, en droit canadien, l’existence des gouvernements autochtones et leur pouvoir d’adopter des lois au même titre que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux.
Le gouvernement du Québec contestait cette loi, parce qu’il refuse de reconnaître notre autonomie gouvernementale et notre capacité d’adopter des lois qui, comme celles en matière de famille et d’enfance, ont préséance sur les lois provinciales. Le Québec a perdu sur toute la ligne. Il doit donc maintenant en prendre acte et reconnaître nos gouvernements autonomes.
Il m’apparaît important de rappeler que la Loi C-92 a été conçue pour assurer le mieux-être des enfants, des jeunes et des familles autochtones tout en promouvant des services à l’enfance et à la famille adaptés à leur culture. Alignée sur la Déclaration des Nations unies sur les Droits des peuples autochtones (DNUDPA) et sur les appels à l’action de la Commission de vérité et de réconciliation du Canada (CVR), la Loi établit des normes et des principes nationaux visant à garantir un contrôle effectif par les peuples autochtones sur le bien-être de leurs enfants, tout en affirmant leur compétence en la matière.
On se doit tous de relever l’importance des dispositions de la DNUDPA qui confirme notre droit de développer nos propres institutions. La Cour y réfère souvent.
La Loi C-92 offre une occasion unique aux trois paliers de gouvernements, Premières Nations, Canada et Québec, de travailler ensemble, de réparer les préjudices historiques et de jeter les bases d’une relation renouvelée de gouvernements à gouvernements dans tous les domaines, incluant les services à l’enfance et à la famille.
En adoptant une approche collaborative, le Québec respectera l’état du droit actuel, incluant les droits reconnus par la DNUDPA et les récentes décisions des tribunaux canadiens qui reconnaissent les ordres juridiques distincts des Premières Nations. De plus, cette approche sera conforme à la stratégie proposée par le Protecteur du citoyen du Québec, soit de faire avancer les appels à l’action du rapport de la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec (Commission Viens).
Le temps est donc venu pour le Québec de cesser de nier nos droits et d’engager un dialogue constructif en reconnaissant les gouvernements de Premières Nations et leur juridiction en matière de services à la famille et à l’enfance. L’énergie et les efforts que nous y mettrons contribueront à accroître le mieux-être de nos enfants, de nos jeunes et de nos familles, en assurant une égalité réelle et en veillant à ce que des services culturellement sécurisants soient fournis en temps opportun et de manière efficace à nos populations. Il s’agit de principes fondamentaux sur lesquels devront reposer nos relations futures en respect de notre droit à l’autodétermination.
Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador